Rappels :

  • L’allaitement est riche en Oméga-3 (se référer à l’article https://enfant-atypique.fr/bien-manger-pendant-la-grossesse-ameliore-le-neurodeveloppement-de-votre-enfant/)
  • Recommandations de l’OMS : 6 mois exclusif ; 24 mois avec diversification. L’arrêt progressif de l’allaitement ne présente aucune recommandation. Pour se faire un avis dans le contexte de la théorie de l’attachement de Bowlby, l’article suivant nous apporte un éclairage : Attachement, allaitement, sevrage : y aurait-il une fonction attachement à l’allaitement ? | Cairn.info

En France, plus de 50 000 bébés naissent chaque année prématurément, avant huit mois et demi de grossesse. Plus ils naissent tôt, plus leur cerveau a du mal à se développer harmonieusement. Comment limiter les risques de séquelles ? Une solution a été proposée par des médecins écossais : les alimenter tout de suite avec du lait maternel.

Les altérations cérébrales associées à la naissance prématurée concernent notamment la substance blanche – les fibres nerveuses qui connectent les aires cérébrales les unes aux autres. Avec des conséquences potentielles néfastes à long terme : l’étude Épipage 1, de l’Inserm, a montré que près de 40 % des grands prématurés souffrent d’une déficience motrice, sensorielle ou cognitive (le plus souvent légère) à l’âge de 5 ans, contre 11 % des enfants du même âge nés à terme.

James Boardman, à l’université d’Édimbourg, et ses collègues se sont penchés sur le cas de quarante-sept enfants prématurés ou grands prématurés, nourris avec une proportion variable de lait maternel. À un âge équivalent à 10 mois après la fécondation, ils ont subi une IRM. Résultat : lorsque le lait maternel constitue plus des trois quarts de l’alimentation, la connectivité cérébrale apparaît plus développée. Et au-delà, l’effet ne fait que s’accentuer.

Le lait maternel comporte des acides gras précieux pour la mise en place des fibres de la substance blanche. L’Organisation mondiale de la santé recommande d’ailleurs de nourrir exclusivement les bébés au sein jusqu’à l’âge de 6 mois. « On devrait aider les mères d’enfants prématurés à fournir du lait maternel pour leur bébé en soins néonataux – si elles en sont capables et s’il est en assez bonne santé pour recevoir du lait –, car cela pourrait améliorer les chances que son cerveau se développe harmonieusement », conclut James Boardman.

Un bébé qui tète le sein de sa mère pendant au moins trois mois voit son cerveau se développer davantage, former des connexions plus précoces et ses capacités de langage augmenter plus vite, selon une étude de l’Université Brown aux Etats-Unis.

Cette étude, menée sur 133 enfants de 10 mois à quatre ans, a consisté à observer la constitution de matière blanche dans le cerveau des petits. La matière blanche est l’ensemble des fibres nerveuses, à l’intérieur du cerveau, qui connectent les différentes aires les unes aux autres, facilitant l’échange d’information et la création de capacités de langage, de raisonnement ou d’intégration.

Les enfants nourris au moins trois mois au sein exclusivement présentent des hausses de 20 à 30 pour cent de cette matière blanche par rapport à ceux nourris au biberon. Les enfants nourris de façon mixte se situent entre les deux. En outre, le développement des fibres de matière blanche, qui reflète la maturation des neurones, est proportionnelle à la durée d’allaitement.

Les améliorations cérébrales sont visibles dans les zones motrices qui contrôlent les mouvements du bébé, mais aussi dans les zones frontales et les aires associatives, qui centralisent des informations sensorielles diverses et permettent le développement des capacités d’abstraction.

Parallèlement à ce développement neuroanatomique, une acquisition plus précoce du langage, des capacités motrices ou de détection visuelle, est observée. On ignore comment le lait maternel exerce cet effet nourricier sur les capacités cérébrales, de plus amples travaux étant nécessaires pour le comprendre.

Woodward et Liberty recensent les nombreux défis de la recherche sur le développement psychosocial. L’étendue des résultats psychosociaux s’échelonne de la période néonatale (par exemple, les interactions précoces mère-nourrisson) à l’enfance et à l’adolescence (par exemple l’adaptation comportementale). De plus, on peut comparer plusieurs groupes : allaités ou nourris aux préparations commerciales pour nourrissons, avant ou après l’allaitement, ou selon la durée du modèle d’allaitement. Il est important de souligner que d’après Woodward et Liberty, la distinction entre les effets à court et à long terme et les mécanismes selon lesquels l’allaitement peut influencer le développement psychosocial sont des questions clés pour la recherche. Ces deux auteurs démontrent la complexité de la trajectoire mécaniste dans leur exemple de l’influence de l’allaitement sur l’humeur maternelle et les effets de la rétroaction du nourrisson à la mère. Cependant, les trajectoires des différentes conséquences peuvent être uniques. L’allaitement est un choix, pas un comportement aléatoirement attribué aux mères. Les femmes qui choisissent d’allaiter sont différentes de celles qui décident de nourrir leur enfant aux préparations commerciales pour nourrissons, et ces autres caractéristiques des mères et de leur environnement sont des facteurs de confusion pour l’analyse. Bien que Woodward et Liberty aient abordé ce défi, ce qui semble manquer, c’est le fait de reconnaître que les caractéristiques maternelles associées à l’allaitement varient selon la culture étudiée.

Pérez-Escamilla donne des exemples d’études dans lesquelles l’allaitement est associé à un développement moteur plus avancé chez les nourrissons tel qu’indiqué par l’atteinte précoce de certaines étapes comme le fait de ramper. Pollitt a suggéré que le retard de développement chez les nourrissons mal nourris pouvait donner l’impression que l’enfant est « jeune », et donc est moins stimulé par la mère et par l’environnement domestique. Le dernier article sur le développement psychosocial rédigé par Lawrence fait référence aux premiers travaux d’observation de Newton. Les défis de la recherche sur l’allaitement faisaient déjà l’objet de discussions continuelles dans ces études qui datent d’une quarantaine d’années. Une des préoccupations principales était alors (et l’est encore) de définir l’allaitement.

Lawrence souligne aussi que l’allaitement se produit non seulement pour répondre à la faim, mais qu’il constitue un mécanisme permettant de diminuer le stress et l’inconfort de l’enfant, et on suppose donc qu’il joue un rôle important dans le développement psychosocial. Cela correspond aux descriptions des mères péruviennes pour qui l’allaitement est un moyen d’apporter du réconfort, de l’amour, de la sécurité à l’enfant et de communiquer avec lui. Cependant, des recherches sont nécessaires pour savoir comment l’allaitement influence les caractéristiques humaines qui sont plus difficiles à quantifier : l’affirmation de soi, la maturité sociale et la confiance en soi. Lawrence rapporte certaines mesures relatives aux bienfaits de l’allaitement sur ces caractéristiques, comme le fait que les enfants allaités sont plus coopératifs et moins susceptibles d’abandonner l’école selon des études sur le développement cognitif, mais ces dernières sont limitées. Il est nécessaire d’effectuer des études bien conçues capables de fournir des recherches observationnelles aussi complètes que celles de Newton.

L’allaitement maternel pendant la petite enfance est associé à une gamme d’avantages pour la santé à court et à long terme. Nous examinons si l’allaitement maternel au cours des 2 premiers mois de vie est associé à des marqueurs structurels du développement du cerveau chez les nourrissons de la population générale. Cette étude a été intégrée à l’étude de la génération R. Les échographies crâniennes ont été obtenues environ 7 semaines après l’âge natal. Le diamètre de l’ovoïde gangliothalamique, la longueur du corps calleux, le volume ventriculaire et la circonférence de la tête ont été mesurés. Les rapports maternels d’allaitement maternel ont été obtenus à l’âge de 2 mois. Nous avons examiné les associations par rapport aux pratiques actuelles d’allaitement maternel (exclusivement allaité, n = 318, nourri au sein et au biberon, n = 119, et nourri au biberon, n = 243). Les analyses ont été ajustées en fonction de la taille de la tête et des covariables pertinentes. Des analyses secondaires ont été effectuées pour les antécédents d’allaitement (exclusivement allaité, n = 318, allaité au sein et au biberon, n = 281, et jamais allaité, n = 81). L’allaitement maternel exclusif était associé à un développement cérébral plus optimal par rapport aux bébés nourris au biberon ou jamais allaités. Les résultats étaient les plus cohérents pour le diamètre ovoïde gangliothalamique. Des diamètres ovoïdes gangliothalamiques plus importants étaient évidents chez les bébés allaités exclusivement au sein par rapport aux bébés nourris au biberon [différence entre les moyennes (intervalle de confiance à 95 %) = 0,21 (0,02, 0,39), P = 0,02]. Un volume ventriculaire plus petit et une plus grande circonférence de la tête ont également été trouvés pour les bébés nourris exclusivement au sein. L’allaitement n’était pas significativement associé à la longueur du corps calleux. Les rapports maternels d’allaitement maternel sont associés à un développement cérébral plus mature au cours des 2 premiers mois de vie. Les résultats sont les plus cohérents pour le diamètre ovoïde gangliothalamique, une structure sous-corticale riche en acide docosahexaénoïque. Les résultats ont également mis en évidence un avantage non spécifique du développement neuronal pour les bébés nourris exclusivement au sein.

Pour finir, n’oublions pas que l’allaitement fait partie d’une mutation sociétale globale et est donc au cœur de débats politiques et sociétaux. L’allaitement est un CHOIX inhérent à chaque maman. L’allaitement nécessite un accompagnement thérapeutique en tant que tel et fait partie des grands enjeux du neurodéveloppement comme ici, prouvé par des études neuroscientifiques.

Pour aller plus loin : allaitement-maternel (enfant-encyclopedie.com)

Source : d’après M. Blesa et al., Early breast milk exposure modifies brain connectivity in preterm infants, NeuroImage, vol. 184, pp. 431-439, en ligne le 12 septembre 2018.

Sean C.L. Deoni et al., Breastfeeding and early white matter development: A cross-sectional study, Neuroimage, à paraître.

L’allaitement maternel et le développement précoce du cerveau : l’étude de la génération R, Catherine M Herba 1Sabine RozaPaul GovaertAlbert HofmanVincent JaddoeFrank C VerhulstHenning Tiemeier